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que nous venons de citer, les principes, les maximes de l’homme d’État, qui doivent être fondés sur les principes éternels du droit et de la justice en faveur de tous les hommes. Or, les noirs sont-ils des hommes, oui ou non ? S’ils sont des hommes, la déclaration des droits de l’homme proclamée par l’assemblée constituante leur était applicable, soit graduellement, soit immédiatement. Lors donc que Monge leur prescrivait de tirer parti des noirs révoltés pour envahir et conquérir la colonie espagnole, à notre avis, Polvérel et Sonthonax, au 5 mai 1795, faisaient un mauvais usage de la dictature remise entre leurs mains. Il nous semble qu’avec leur sagacité habituelle, avec leurs principes bien connus en faveur de la liberté pour tous les hommes, ils auraient dû reconnaître que le régime colonial était déjà frappé de mort, et qu’il ne serait plus possible de conduire les noirs autrement que par la perspective d’un adoucissement notable dans leur malheureuse condition.


Tel était le but que se proposait Julien Raymond, dans une brochure qu’il rédigea, dit-il, avant la déclaration de guerre à l’Angleterre, par conséquent en janvier 1793. Garran dit « qu’il consacra cet écrit à prouver la nécessite d’adoucir enfin la misère insupportable des esclaves noirs. Il y joignit un projet d’affranchissement graduel, auquel on a droit de reprocher qu’il y assujétisse ces malheureux à racheter de leur maître une liberté qu’ils n’ont point vendue eux-mêmes, et dont l’acquisition ne pouvait, en aucun cas, être légitime[1]. »

Nous avons cet écrit sous les yeux : examinons-le, car

  1. Rapport, t. 4, p. 23.