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Quant à la traite et à l’esclavage des nègres, les gouvernemens de l’Europe auront beau résister aux cris de la philosophie ; aux principes de liberté universelle qui germent et se propagent parmi les nations, qu’ils apprennent que ce n’est jamais en vain qu’on montre la vérité aux peuples ; que l’impulsion une fois donnée, il faudra absolument céder au torrent qui doit entraîner les anciens abus, et que le nouvel ordre de choses s’élèvera, malgré toutes les précautions qu’on prend pour en retarder l’établissement. Oui, nous osons le prédire avec confiance, un temps viendra, et le jour n’est pas loin, où l’on verra un Africain à tête crépue, sans autre recommandation que son bon sens et ses vertus, venir participer à la législation dans le sein de nos assemblées nationales.

Lorsque je fis cette prédiction, j’étais loin de penser que moi-même je convoquerais les assemblées primaires, qui enverraient ensuite des députés à la convention nationale. Vous voyez donc que j’étais loin d’être l’ennemi des noirs, d’être l’ennemi des droits et de l’égalité générale des hommes[1]. »

Nous citons ces paroles avec bonheur ; nous louons Sonthonax d’avoir professé de tels sentimens et de tels principes. Mais reconnaissons que, si ces précédons connus des colons durent les porter aux préventions contre le commissaire civil, celui-ci se condamne lui-même, condamne ses déclarations faites à l’église du Cap, le 20 septembre 1792, et dans sa proclamation du 4 décembre suivant ; car il dit ici que le fonctionnaire public est circonscrit dans le cercle étroit des lois ; qu’il ne lui est

  1. Débats, t. 3 p. 18 et 19.