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contre les fauteurs de troubles qui n’avaient cessé d’agiter cette malheureuse ville depuis trois ans : c’était d’en éloigner les plus coupables. Dès l’entrée des commissaires, de nombreuses patrouilles arrêtèrent une foule d’individus désignés par la clameur publique ; ils furent emprisonnés. Toutefois, quelques jours après, les commissaires en relaxèrent plus de cinq cents. Mais il y en eut deux cent cinquante de déportés en France, et d’autres aux États-Unis.

Certes, on peut croire, ainsi que le dit Garran, que, dans cette circonstance, les hommes de couleur et les blancs qui marchaient d’accord avec eux, exercèrent une certaine pression sur Polvérel et Sonthonax. Mais n’est-il pas vrai de dire aussi que ces commissaires furent déterminés à ordonner ces nombreuses déportations, par ce seul motif, — qu’il fallait éloigner de la colonie les colons qui, au Port-au-Prince comme au Cap, se montraient rebelles aux lois de la métropole et à l’autorité de la commission civile, déléguée pour y rétablir l’ordre et la tranquillité publique ? Etait-il convenable, prudent, d’y laisser ceux qui s’étaient le plus compromis dans la résistance du Port-au-Prince et qui auraient pu recommencer leurs coupables manœuvres, dès que l’occasion s’en fût présentée ? Les événemens qui vont bientôt se passer au Cap ne justifient-ils pas Polvérel et Sonthonax de ces mesures rigoureuses, alors qu’ils étaient autorisés par les lois à être encore plus rigoureux, en faisant juger ces hommes rebelles et dangereux par des tribunaux militaires ? En les éloignant de Saint-Domingue, ils les renvoyaient dans la mère-patrie, dans un pays civilisé ; et cette déportation était encore préférable aux risques qu’ils auraient courus devant ces