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gnant des défections dans les rangs de sa troupe, Cazeau replia sur les Irois[1]. L’armée insurrectionnelle occupa de suite l’Anse-d’Eynaud ; et pendant que Lazare écrivait à Cazeau pour l’enjoindre à se retirer hors de l’arrondissement de Tiburon, à lui remettre les fonds destinés aux fonctionnaires et aux troupes de cet arrondissement, — ce qu’il fit par un excès d’équité envers ces concitoyens[2] — R. Hérard avec sa division le contourna en se portant sur le morne de Tiburon, de manière à pouvoir lui couper la retraite sur ce bourg. Cazeau se décida à rétrograder une fois jusqu’aux Anglais. En ce moment, la goëlette qui lui apportait des Cayes les provisions de bouche, des objets pour son ambulance avec des officiers de santé et des fonds pour sa troupe, cette goëlette fut capturée par les insurgés : ils se gardèrent d’agir avec réciprocité envers les troupes de Cayes.

La conduite du colonel Cazeau, en ces circonstances, jeta du louche sur ses vrais sentimens. Mais il faut prendre en considération la répugnance que, généralement, tous les officiers du gouvernement éprouvaient pour rallumer la guerre civile dans le pays ; ils espéraient presque tous, par la modération, ramener leurs frères insurgés à une soumission, désormais impossible, au chef de l’Etat, ou au moins à une transaction qui eût évité l’effusion du sang haïtien. Généralement aussi, fonctionnaires publics et citoyens privés, tout le monde était frappé des actes inconstitutionnels qui avaient eu lieu successivement. On désirait un

  1. Lazare avait été colonel du 17e pendant longtemps. Cazeau dut craindre qu’il n’exerçât de l’influence sur ce corps.
  2. Dans sa lettre du 9 février à ce sujet, Lazare disait : « Je vous invite à me faire parvenir cette somme, comme chose appartenant aux serviteurs de la patrie qui n’ont que trop souffert de la privation des diverses payes qui leur sont dues jusqu’à ce jour. »