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gardes nationaux, ils continuèrent cette manœuvre encore mieux, et ils furent secondés par ceux de Miragoane et de l’Anse-à-Veau, même par leurs femmes, leurs mères et leurs filles, qui partageaient leurs opinions, qui furent éprises de l’insurrection et ne soupiraient qu’en faveur d’une révolution ; et ces personnes ne cessèrent pas de mettre en pratiquer, à d’égard des autres troupes qui passèrent ensuite dans ces villes ; les mille, petites attentions flatteuses que leur, sexe sait employer pour réussir dans un dessein formé. Il faut dire aussi qu’elles, y furent encore déterminées par les mesures de rigueur ordonnées par le général Inginac envers leurs parens.

Lorsqu’on apprit à Miragoane la prise d’armes, de Praslin, il y eut des opposans qui allèrent aux Cayes pour juger par eux-mêmes de l’effet qu’elle y produisait ; ils s’en retournèrent consternés, en voyant que les insurgés avaient été contraints de s’enfuir, et ils persuadèrent les autres de ne pas se manifester. Mais Inginac, empiétant certainement sur les attributions qui étaient réservées au général Borgella, chef provisoire de tout le département du Sud, et croyant bien faire, sans doute, envoya l’ordre au commandant Goguette, à Miragoane, et au général Malette, à l’Anse-à-Veau, d’arrêter tous les opposans de ces lieux et de les lui envoyer sous escorte au Petit-Goave[1]. Sa qualité de secrétaire général donnait à penser à ces officiers supérieurs que c’était par autorisation de Boyer.

  1. On m’a dit que son ordre portait : que les propriétés des opposans seraient confisquées au profit des troupes du gouvernement. Dans ses Mémoires de 1843, Inginac semble confirmer cette imputation ; il y dit : « qu’il se livra, dans sa lettre, à des considérations sur tout ce qui pourrait arriver de fâcheux à ceux qui se remueraient… En recommandant l’apposition des scellés par l’autorité civile sur les effets de ceux qui avai ent été arrêtés ou qui avaient disparu, etc. » Voyez ces Mémoires, page 115. Mais les familles des opposans arrêtés ou eu fuite, étaient là ; il n’y avait pas lieu de toucher à leurs biens.