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ils ne prévoient pas ce qui résulterait de leur succès : la désorganisation générale, la division du territoire de la République, peut-être même la perte de notre nationalité : dans tous les cas, elle serait compromise. »

Puisqu’il avait une telle pensée, il aurait dû comprendre qu’il jouait la dernière partie avec ceux qui n’avaient cessé d’attaquer son administration en la décriant de leur mieux ; et, alors, il ne fallait pas se reposer sur l’insuccès de l’insurrection aux Cayes, et se borner à déférer au général Borgella le commandement du département du Sud : il aurait dû lui-même se porter dans ce département avec toutes les troupes de l’Ouest pour diriger les opérations militaires. Sa présence eût été aussi d’une grande importance politique, en fixant les dévouemens et la fidélité au drapeau. Ce n’étaient ni le général Segrettier, ni le général Lazare, sans renom militaire, ni le « chef d’exécution » qui passait seulement pour bien connaître la théorie de l’artillerie, ni, enfin, les avocats qui l’entouraient, qui auraient pu opposer une résistance prolongée au chef de l’État dont l’autorité eût paru plus redoutable alors[1].

Qu’avait-il réellement à craindre en quittant la capitale ? Les opposans de cette ville ? Ils n’étaient capables que de propos plus ou moins malveillans tenus discrètement. Dans ces momens-là, leurs journaux n’osèrent pas parler de l’insurrection, sur la simple invitation qui leur fut faite de s’en abstenir, ce’qui était très-convenable. Et en laissant au général Victor Poil des troupes suffisantes, avec un pouvoir discrétionnaire, même avec la faculté d’appeler en ville la garde nationale des campagnes environnantes, les opposans seraient restés paisibles ; car, enfin, ils étaient aussi

  1. Bien des révolutionnaires ont avoué que c’était ce qu’ils appréhendaient le plus.