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les formalités prescrites par le code civil. — Il était entendu que cette disposition n’aurait d’effet que pour l’avenir et à l’égard des personnes qui viendraient résider en Haïti, dans l’intention d’en devenir citoyens.

Le Président se borna à faire publier le rapport de la commission, qui démontrait que les prétentions du sieur Smith étaient contraires à la constitution. Le ministère public ne reçut point l’ordre de poursuivre l’annullation des actes notariés qui le concernaient ; son action en prise à partie contre le tribunal civil de Jérémie n’eut point de suite. C’est que Boyer n’agissait point en haine de ses ennemis, et qu’il était plus porté qu’on ne le croyait alors à user d’indulgence. Il considéra que le sieur Smith y avait droit, par un séjour de 37 ans dans le pays, par les services qu’il avait pu rendre aux citoyens de Jérémie, par son mariage avec une Haïtienne, par la possession même des propriétés qu’il avait illégalement acquises, d’après l’erreur des officiers publics. Cet étranger était d’ailleurs d’un âge avancé et d’une santé débile ; il y aurait eu une sorte d’inhumanité de la part du pouvoir à faire agir contre lui ; et Boyer fit bien en s’abstenant, car il ne vécut pas longtemps après cette affaire.

Mais l’Opposition, à Jérémie, lui tint-elle compte de sa modération ? Elle profita de cette affaire pour pousser les hauts cris ; elle s’enhardit contre le chef du gouvernement que, pour son malheur, elle ne pouvait pas comprendre alors, tant la voix des passions prévalait dans cette localité et dans d’autres endroits[1].

  1. La commission m’avait chargé de rédiger son rapport à Boyer. Lorsqu’il fut publié, ce rapport devint un nouveau grief pour l’Opposition tout entière contre moi ; car l’année précédente, j’avais dû répondre à un écrit anonyme que fit M. Féry, à propos de la destitution des fonctionnaires publics de Jérémie, et dans ma réponse je justifiais je droit du gouvernement de prononcer cette destitution, parce qu’aucun fonctionnaire n’a celui de lui faire opposition.