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Ainsi donc, même en reconnaissant que Pétion comprenait mieux que personne le sens de la constitution, puisque « il avait présidé à la révision de celle de 1806, » l’Opposition n’admettait pas qu’il fût fondé à fractionner la liste générale qu’il fournit, afin que la Chambre n’élût les six sénateurs que parmi ces groupes de candidats, comme il chargea son président Pierre André de l’expliquer à ses collègues ! La Chambre était souveraine !

D’après les doctrines émises par l’Opposition, on peut concevoir que si le Sénat avait résolu la question des listes de candidature telle qu’elle le voulait, pour contraindre Boyer à fournir à la Chambre une liste générale, la révolution eût été complète alors ; car le chef de l’État eût perdu tout son prestige aux yeux du peuple, le Sénat eût été placé à la remorque de la Chambre, dirigée elle-même par les innovateurs dont l’éloquence l’entraînait sur cette mer orageuse.

Aussi Boyer se saisit-il de la protestation qui lui fut remisé dès le 5 octobre, par les 31 représentans qui se séparèrent de leurs collègues. Le dimanche 6, après avoir passé l’inspection des troupes de la capitale, entouré d’un grand état-major, il revint au palais de la présidence. Les troupes l’avaient accueilli au cri de : Vive le Président d’Haïti ! Il ordonna que tous les corps d’officiers se rendissent au palais ; la plupart des magistrats et des fonctionnaires publics s’y trouvaient déjà réunis. En montant l’escalier du péristyle, le Président rencontra M. David-Troy, directeur de l’école nationale primaire, qui lui avait été dénoncé, il paraît, comme ayant approuvé la marche de l’Opposition, de même que presque tous les jeunes hommes de son âge. Boyer ne put se contenir ; il adressa à David-Troy les plus vifs reproches, en lui rappelant qu’il n’avait cessé d’avoir