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à proximité de diriger le mouvement qui serait résulté de la mort de Boyer, car il aurait été impossible de le déposer simplement. Le Président, qui parut avoir saisi toutes les ramifications de ce complot, où bien d’autres officiers de sa propre garde et des autres corps de troupes de la garnison furent plus ou moins impliqués, le Président se borna, quant au général Benjamin Noël, à lui ôter le commandement de l’arrondissement du Mirebalais et à l’y faire remplacer par le colonel Per qui commandait la commune de la Croix-des-Bouquets : il fit partie désormais de l’état-major général de l’armée, à la résidence du Port-au-Prince[1]. Des mutations eurent lieu ensuite pour plusieurs officiers de la garde qui passèrent dans d’autres corps de la ligne.

Cette modération du pouvoir fut aussi intelligente qu’humaine, car Boyer comprit parfaitement qu’il y avait surtout erreur et entraînement regrettable dans les reproches qu’on lui faisait. S’il avait fallu frapper tous ceux qui partageaient ces opinions à son égard, la plupart de ses concitoyens auraient été des victimes. Il était donc de son devoir d’être patient et de tout attendre du temps pour calmer les esprits et le justifier. Le dimanche 1er juillet, après l’arrestation des prévenus, il vint dans la grande salle du palais de la présidence, où se trouvaient les fonctionnaires publics, tous les officiers des corps de troupes ; et là, au milieu de tous il parla du complot ourdi contre lui et de sa conduite dans tous les temps, et dans les circonstances où il prit les arrangemens avec la France, pour faire admettre Haïti au rang des nations indépendantes : il s’exprima avec un chaleureux sentiment de patriotisme et une éloquence qui entraîna l’ap-

  1. Le général Benjamin Noël décéda au Port-au-Prince, en 1831.