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La conversion des monnaies, opérée à la caisse des dépôts et consignations où la somme de 563,794 gourdes avait été déposée, produisit 2,986,335 francs[1]. Le 28 juin, tous les versemens étaient effectués par les envoyés d’Haïti, pour l’indemnité, pour le trésor, pour la banque de M. Laffitte qui reçut, outre le million destiné à l’emprunt, un surplus de 106,206 francs[2]. Ce million même y resta en dépôt, parce que les porteurs de titres de l’emprunt ne voulurent pas acquiescer au mode de libération qu’il avait proposé au gouvernement haïtien.

À ce sujet, et d’après des pétitions très-vives adressées à la Chambre des députés par quelques-uns d’entre eux, le ministre des affaires étrangères invita les envoyés à une conférence où se trouvèrent M. Lacave-Laplagne, ministre des finances, l’amiral Baudin et M. de Las Cases. Il s’a-

    et le comte de Montalivet ; avec M. Dupin aîné, président de la Chambre des députés, avec le comte de Laborde, avec M. Dutrône, alors conseiller à la cour royale d’Amiens. Dans toutes ces réunions, on nous exprima une loyale satisfaction de l’issue heureuse des négociations d’Haïti avec la France, laquelle servirait à favoriser la prospérité et la civilisation du jeune peuple admis désormais sans équivoque, parmi les nations indépendantes. Mais, à cette occasion, il n’est pas un seul des personnages dont s’agit qui ne nous ait exprimé le désir de voir la République abroger enfin les dispositions de sa constitution politique concernant l’exclusion des hommes de la race blanche de la société haïtienne, et cela dans l’intérêt, disaient-ils, de son avenir, par l’introduction de leurs lumières, de leur industrie, de leurs capitaux, etc.

    Hélas ! ces personnes ne se doutaient pas de ce qui se passait alors à Haïti, à propos des traités si honorables pour elle ! Elles ignoraient l’acte sauvage qui venait d’être commis sur le principal fonctionnaire haïtien qui avait pris part à ces traités, parce que les auteurs de cette atrocité jugeaient compromettant pour la sûreté publique tout arrangement pris avec l’étranger. En général, les Européens ont toujours semblé ne pas pouvoir comprendre tous les motifs des dispositions exclusives qu’ils reprochent à la constitution politique d’Haïti. Des siècles s’écoulent avant que certaines classes d’hommes, dans ces contrées civilisées, ne parviennent à la jouissance de tous leurs droits naturels, et souvent ce résultat n’arrive qu’à la suite de grandes révolutions sociales ; et l’on veut croire que les choses sont plus faciles dans un pays qui n’a pas encore 60 années d’existence, et qui est sorti de la barbarie du régime colonial !

  1. Le vice-amiral Grivel, préfet maritime à Brest, — le même qui vînt à Haïti en 1825, — avait mis tous ses soins pour expédier ces fonds à Paris. Il fit l’accueil le plus bienveillant à MM. Ardouin et Villevaleix, de même que les autres autorités civiles et militaires de Brest.
  2. Environ 25 mille francs de ces fonds servirent à payer du papier filigrané que les envoyés d’Haiti firent fabriquer à Paris, pour des billets de caisse.