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voyaient leurs attributions s’étendre de manière à les surcharger d’occupations : tous ces agents de l’autorité publique finirent par se dégoûter de ce code de lois. On l’exécuta tant bien que mal dans les premières années et dans les départemens à l’Occident de la République, car dans ceux de l’Est on ne l’agréa en aucune manière ; les autorités elles-mêmes reconnurent l’impossibilité de l’exécuter et en aver tirent le gouvernement.

Accueilli avec beaucoup de faveur cependant, par certains propriétaires qui réclamaient sans cesse des mesures coercitives pour la prospérité de l’agriculture, parce qu’ils ne purent jamais se convaincre que le temps des rigueurs était passé, le code rural devint la ruiné de leurs biens ; car après l’expiration des premiers contrats synallagmatiques, la plupart des cultivateurs ne voulurent plus les renouveler et abandonnèrent ces biens pour se réfugier, ou sur les petites propriétés de leurs parens et amis où ils étaient assurés de l’inexécution des dispositions de contrainte contenues dans ce code, ou sur leurs propres propriétés. La loi qui mit en vente tous les biens domaniaux provoqua de leur part une acquisition extraordinaire pendant la durée des contrats, de sorte qu’à leur expiration, les nouveaux acquéreurs étaient en mesure de passer sur leurs petites propriétés où ils se trouvaient les égaux des grands propriétaires et pas plus contraignables qu’eux[1].

Nous l’avons souvent dit et nous le répétons ici : l’une des causes principales du dépérissement des cultures en Haïti doit être attribuée à l’habitude contractée par les anciens ou les nouveaux grands propriétaires, de ne pas résider sur

  1. Le gouvernement qui, en Haïti, ne pourra on ne voudra pas se convaincre que l’égalité, en toutes choses, est le droit le plus précieux aux yeux du peuple, sera toujours exposé à se fourvoyer.