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Le code rural seul, imprimé avant les autres, put être exécuté trois mois après sa promulgation, tant on avait hâte d’obtenir les résultats qu’on espérait de cette nouvelle organisation des travaux agricoles. Mais, s’il suffisait de publier des lois sur cette matière pour faire prospérer un pays, le code rural ayant amplement statué à cet égard, Haïti aurait dû être, sous son régime, le pays le plus fortuné de l’univers. Le législateur n’oublia qu’une chose : c’est qu’après vingt années écoulées depuis que la République était instituée ; après l’entière liberté fondée par Pétion et laissée à chacun de cultiver son champ selon qu’il le jugerait convenable à ses intérêts ; après la distribution des terres accomplie par lui et continuée encore par son successeur ; surtout après la jouissance, par les ouvriers agricoles, d’une faculté indéfinie de locomotion, il n’était pas possible d’imposer des règles qui tenaient d’ailleurs à l’ancien état de choses qu’ils avaient en horreur et auquel ils avaient toujours cherché le moyen de se soustraire.

En effet, nous avons dit comment, sous Toussaint Louverture, les cultivateurs imaginèrent de s’associer entre eux pour acheter d’anciens propriétaires, de petites portions de terrains où ils se réfugiaient pour cultiver des vivres ou autres denrées, afin d’être indépendans des colons restaurés dans leurs biens, ou des chefs militaires et civils fermiers des biens séquestrés, et de jouir d’une complète liberté : ce qui porta Toussaint à publier un arrêté du 7 février 1801 restreignant la vente des terrains à 50 carreaux au moins[1]. Ensuite, nous avons fait remarquer que, sous Dessalines, les cultivateurs, de l’Ouest et du Sud particulièrement, trouvaient dans l’exploitation du bois de campêche le même

  1. Voyez tome 4 de cet ouvrage, pages 317 et suivantes.