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tristé la patrie, abusant des grands noms d’intérêt public et de liberté, dont l’appât entraîne la nation. Représentans, si, au mépris de l’histoire, quelque germe de mésintelligence était jeté dans cette enceinte, fidèle à notre mission de paix, hâtons-nous de l’étouffer. Je dis plus : si, parmi nous, quelque main imprudente voulait se saisir de ce germe pernicieux pour le féconder au détriment de la République, hâtons-nous de châtier l’imprudent : justiciables de vous seuls, c’est à vous qu’il appartient d’étouffer ces cris de discorde capables d’amonceler sur l’horizon politique des nuages porteurs de tempête et de mort… »

Toutefois, cet orateur dit qu’il aimait à croire qu’il se trompait, que tous ses collègues étaient animés du désir du bien, et il les invita à la concorde. Il fit un appel particulier à ceux de la partie de l’Est, pour soutenir le gouvernement qui les protégeait.

« Tous, tant que nous sommes, représentans du peuple haïtien, donnons l’exemple de la concorde à cette population dont les yeux sont fixés sur nous… et disons-lui qu’il faut boire avec modération dans la coupe enchanteresse de la liberté… Disons à cette jeunesse effervescente, chez qui fermente une fièvre ardente d’amélioration et de liberté, disons-lui que les peuples comme les individus ont besoin de passer par l’adolescence avant d’arriver à la maturité. Sortie hier de l’enfance, et à peine dégagée des langes de son berceau, Haïti a besoin de se mûrir pour la liberté et ne peut pas arriver subitement à la prospérité et à la civilisation des peuples qui ont longuement vécu. »

Et il dit ensuite : « À ces vœux généraux, qu’il me soit permis de mêler quelques vœux particuliers. Quoique l’initiative appartienne au chef de l’Etat, ce n’est pas empiéter sur ses droits que de solliciter la présentation de quelques