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fit répondre que le 22 juin 1832, par une note semblable rédigée avec une énergie patriotique ; on y releva l’expression de spoliation dont le ministre s’était servi[1], et il fut proposé : 1o  d’annuler l’ordonnance du 17 avril 1825 ; 2o  de reconnaître la République d’Haïti comme État libre, souverain et indépendant, dans un traité de paix, de commerce et de navigation sur le pied réciproque de la nation la plus favorisée ; 3o  de conclure une convention pour réduire l’indemnité à 75 millions dont 30 avaient été déjà payés ; 4o  de fixer à un million par an la quotité à payer pour l’indemnité, le gouvernement haïtien devant affecter aussi un autre million par an pour l’emprunt de 1825.

Cette réponse complétait, pour le moment, la rupture des relations diplomatiques entre les deux gouvernemens : elle fut envoyée à M. Lloyd pour la transmettre au cabinet français. Le consulat de France subsista à Haïti, entre les mains du chancelier qui remplaça M. Cerffber, parti pour cause de maladie, et le commerce de cette nation continua paisiblement ses transactions fructueuses, mais sur le même pied que celui de tous les autres peuples dont les navires fréquentaient les ports d’Haïti. L’ordre chronologique nous amènera à relater successivement ce qui eut lieu par la suite.


Une tournée du Président dans le département du Sud était devenue nécessaire, avons-nous dit ; et à cet effet, il

  1. « Spoliation. Action par laquelle on dépossède par violence ou par fraude. »

    Certainement, en expulsant les colons de notre sol, en massacrant une partie d’entre eux, en confisquant leurs biens, il y a eu de notre part dépossession violente. Mais, qui nous avait fait gémir durant deux siècles, qui avait provoqué l’expédition de 1802, qui commit contre nous tant d’actes de violence atroce ? Ne sont-ce pas les colons ? La moralité restait du moins de notre côté, quand nous offrions une indemnité raisonnable pour leurs biens. Peut-être Boyer se fâcha trop cause du mot de spoliation ; car, du reste la note verbale rendit hommage à nos droits comme nation. Mais il insistait toujours à considérer l’indemnité comme le prix de la reconnaissance de notre indépendance. S’il en était ainsi, il y aurait eu moins d’honneur pour nous d’y avoir consenti.