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mander celle des autres personnes, il dit au commissaire du gouvernement près le tribunal civil : « C’est à vous d’agir ; il n’y a pas autre chose à faire. » Mais remarquant aussitôt une sorte d’étonnement de la part des colonels, qui s’attendaient probablement à d’autres mesures, il leur ordonna de tenir en cantonnement actif tous les militaires de leurs corps respectifs. Immédiatement après, on sut généralement la décision qui venait d’être prise. Mais, si les opposans eurent encore quelque espoir, du moment que l’autorité publique suivait les formes légales, d’un autre côté, ils n’étaient guère rassurés par la mesure militaire qui retenait sous les armes une garnison de 5 à 6, 000 hommes.

Le ministère public ne pouvait refuser de poursuivre les individus qui avaient été dénoncés, ou à lui-même ou au général Lerebours, comme ayant été les meneurs de l’affaire du 14, ou ayant le plus poussé les cris qui décelaient une intention coupable ; il venait d’en recevoir l’ordre direct du chef de l’État, en présence de hauts fonctionnaires. Mais, personnellement, il était persuadé que cette poursuite aboutirait à un acquittement des prévenus, parce qu’il connaissait intimement l’esprit de certains juges du tribunal civil, et qu’il ne trouvait pas dans les dénonciateurs les garanties désirables pour être crus, ou dans ceux qui seraient appelés comme témoins à charge, la fermeté d’âme qui consiste à dire toute la vérité devant un tribunal ; il savait d’ailleurs comment l’Opposition agissait sur les esprits pusillanimes. Cependant, obligé d’agir, il prit sur lui d’écarter de sa poursuite tous les jeunes gens qui avaient été dénoncés, et il revit ensuite le Président à qui il déclara cette résolution, en lui représentant que ces jeunes gens ayant tous été liés d’amitié avec Fruneau qui était de leur