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colonial n’avait pas défendu et avili l’union légitime des blancs avec les femmes de la race noire, cette classe se serait accrue davantage ; car on sait toute l’influence du mariage sur la population. C’est ce résultat prévu qui y mit obstacle, indépendamment du préjugé : système qui condamne également les vues étroites et l’injustice du gouvernement de la métropole, et la jalousie et l’égoïsme des colons. Et quant aux esclaves, on sait que la cause de l’inégalité entre les deux sexes était dans l’insatiable désir des colons de produire une plus grande quantité des denrées cultivées dans les colonies, les hommes introduits par la traite y étant plus propres que les femmes.

En second lieu, nous remarquons que l’immense production de la partie du Nord, ses richesses, sa population agglomérée sur une surface plus circonscrite, y ayant occasionné une plus grande sociabilité et plus de politesse que dans l’Ouest et le Sud, et excité une rivalité de la part de ces deux provinces, le germe des dissensions intestines que nous verrons éclater plus tard se trouvait dans cette disposition des esprits, parmi la population blanche d’abord, et ensuite dans la population colorée, par l’effet naturel des traditions locales.

Qu’on ne croie pas, cependant, que le Nord fût exempt lui-même de jalousie contre l’Ouest et le Sud. Ce sentiment naquit à la fondation du Port-au-Prince, ville créée pour être la capitale de la colonie, à cause de sa position centrale ; elle devint dès lors le siège du gouvernement, jadis fixé au Cap, bien que le Petit-Goave et Léogane eussent eu tour à tour le nom de capitale, avant l’établissement du Port-au-Prince. Ni l’une ni l’autre de ces petites villes de l’Ouest ne pouvaient avoir l’avenir de prospérité qu’offrait le Port-au-Prince, par sa proximité