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» Un blanc qui épouse légitimement une mulâtresse, descend du rang des blancs et devient l’égal des affranchis ; ceux-ci le regardent même comme leur inférieur : en effet, cet homme est méprisable.

» Celui qui est assez lâche pour se manquer à lui-même, est encore plus capable de manquer aux lois de la société ; et l’on a raison, non-seulement de mépriser, mais encore de soupçonner la probité de ceux qui, par intérêt ou par oubli, descendent jusqu’à se mésallier.

» Il y a dans la colonie environ 300 hommes blancs mariés à des filles de sang-mêlé ; plusieurs sont nés gentilshommes : ils rendent malheureuses ces femmes que la cupidité leur a fait épouser ; ils sont eux-mêmes plus malheureux encore, quoique moins dignes de pitié. Tout ce qui les entoure devient pour eux des objets de regret, tout ce qui doit consoler les autres hommes, les plonge dans la tristesse ; ils éprouvent sans cesse les supplices du cœur. Est-il rien de plus accablant pour des pères, que la honte de donner l’être à des enfans incapables de remplir aucunes fonctions civiles, et condamnés à partager l’humiliation des esclaves[1]. »

Il devrait être défendu sous des peines sévères, aux affranchis et filles de sang-mêlé, de se marier à des blancs, ou du moins, de tels mariages devraient être nuls, quant aux effets civils ; la police et les lois de la

  1. « Des enfants procréés de semblables mariages ont cependant quelquefois servi en qualité d’officiers dans la maison et dans les troupes du roi ; mais à présent il y a trop de créoles en France, pour qu’ils puissent conserver l’espoir d’en imposer à l’avenir sur leur origine. »

    Avons-nous raison de dire que ce sont les colons qui ont toujours provoqué de l’autorité royale des exclusions contre les affranchis et leurs descendans, qui ont poussé aux rigueurs contre eux dans les colonies, aux barbaries contre les esclaves ?