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exige que le mulâtre qui leur manque soit puni sur-le-champ, et il y a une sorte d’humanité à permettre qu’ils puissent l’humilier par un châtiment prompt et proportionné à l’insulte[1].

» Il serait donc plus convenable et plus juste, que le gouvernement de la colonie continuât à garder, comme autrefois, le silence sur les insolences particulières des mulâtres et sur les suites qu’elles auraient, sauf à punir les blancs qui, en les maltraitant, se rendraient coupables envers eux d’une violence dangereuse, et à les poursuivre comme meurtriers…

» Les mulâtresses sont en général bien moins dociles que les mulâtres, parce qu’elles se sont attribuées sur la plupart des blancs un empire fondé sur le libertinage… Elles aiment les blancs…

» Elles sont charitables et compatissantes : il y en a qui rendent de grands services aux jeunes gens (blancs) qui viennent chercher fortune à Saint-Domingue, surtout dans les maladies qu’ils éprouvent…

» Les gens de sang-mêlé ont, comme les nègres, beaucoup de piété filiale. On a vu des mulâtresses retrancher sur leur luxe pour acheter des enfans mulâtres que les pères (blancs) n’avaient pu affranchir avant de mourir, et faire à ces enfans délaissés, le don le plus précieux, celui de la liberté

  1. « À Paris, où le manquement d’un homme du bas peuple envers son supérieur est toujours puni de prison, y a-t-il un seul cocher de fiacre qui ne préférât dix coups de canne à dix jours de prison ? Et combien de fois subit-il l’un et l’autre ? Il y a cependant une grande différence politique entre un cocher de fiacre et un mulâtre des colonies. »

    Assurément, si Hilliard d’Auberteuit vivait encore, il trouverait une plus grande différence entre Haïti et Saint-Domingue ; et nous ne savons si, à Paris, il lui serait facile de trouver des cochers de fiacre qui préférassent dix coups de canne à dix jours de prison.