mulâtre est mis dans les forts ou prisons militaires pendant le temps qu’il plaît au commandant de l’y retenir.
» S’il est juste qu’un nègre battu par un autre que son maître, puisse se plaindre de cette violence, à plus forte raison les mulâtres ont-ils droit à la même justice ; mais il faut faire cette différence, qu’un blanc offensé par un nègre peut se plaindre au maître de ce nègre, et qu’en ce cas le maître doit punir son esclave, au lieu qu’étant insulté par un mulâtre, il n’a pas la même voie. S’adressera-t-il à la justice, à la police, pour avoir réparation d’une insulte légère, que cependant il ne mépriserait pas sans danger ? Ne pouvant pas faire donner 20 coups de fouet au mulâtre insolent (comme au nègre), il serait trop cruel d’arracher ce mulâtre à son travail pendant huit ou quinze jours, pour le faire mettre en prison : d’ailleurs, c’est toujours un très-grand mal que d’avoir de grandes prisons et de les remplir. La peine de prison afflige, endurcit, révolte ; elle ruine le peuple pour enrichir des geôliers : c’est une invention barbare qui nuit à tout, et ne sert à rien ; la supériorité des blancs
les bons traitemens ne peuvent exister sans le maintien de l’ordre et la conservation des rangs. »
Nous le répétons : Hilliard d’Auberteuil publia son ouvrage sous le gouvernement du conte d’Ennery ; c’est à ce général qu’il attribue ces paroles : elles font preuve de ce sentiment de justice qu’il montra durant le peu de temps qu’il gouverna la colonie. On connaît le fait suivant de ce général :
Un mulâtre était créancier d’un blanc ; ayant demandé à celui-ci son argent, le débiteur l’assomma à coups de bâton. Le mulâtre indigné, ne pouvant lui rendre les coups, porta plainte directe au gouverneur. Ce dernier, plus indigné encore, manda le blanc, après avoir payé la créance au mulâtre. Le gouverneur, substitué ainsi aux droits du créancier originaire, interpelle le débiteur pour avoir battu le mulâtre : le blanc lui répond avec arrogance, se fondant sur le droit qu’il avait de réprimer l’insolence du mulâtre qui a osé lui demander son dû. Le gouverneur lui fait savoir alors qu’il est devenu son créancier, et exige son payement immédiatement : le blanc n’avait point d’argent sur lui. Il est frappé sans pitié à son tour, par le comte d’Ennery qui le contraint à aller chercher de suite le montant de la créance. Aussi était-il détesté des colons ! Mais son tombeau est respecté au Port-au-Prince.