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» Le premier motif qui puisse engager un maître à affranchir son esclave, c’est la reconnaissance des services qu’il en a reçus : ce motif devrait être le seul cependant, il y en a deux autres, savoir : les liaisons illégitimes du maître et de l’esclave, ou l’attachement qu’il a pour les enfans provenus de ces liaisons, et l’argent que l’esclave offre à son maître pour se racheter lui-même…

» Chez tous les peuples qui ont eu des esclaves, les fils ou petits-fils des affranchis étaient réputés ingénus ; mais à Saint-Domingue, l’intérêt et la sûreté veulent que nous accablions la race des noirs d’un si grand mépris, que quiconque en descend, jusqu’à la sixième génération, soit couvert d’une tache ineffaçable.

» Les mulâtres, quarterons ou métis sont respectueux et soumis envers les blancs, et les aiment tous en général ; ils ne se permettent de haïr que ceux qui leur ont fait beaucoup de mal. S’ils osaient frapper un blanc, même quand ils en sont frappés, ils seraient punis avec rigueur : telle est la force du préjugé contre eux, que leur mort, en ce cas, ne paraîtrait pas un trop grand supplice. Cette sévérité sera peut-être trouvée injuste, mais elle est nécessaire.

» Jusqu’à ces dernières années, un blanc qui se croyait offensé par un mulâtre, le maltraitait et le battait impunément ; mais à présent, les commandans militaires ont reçu du général (le comte d’Ennery) l’ordre de ne plus souffrir que les blancs se rendent justice à eux-mêmes d’une manière aussi violente[1] ; et quiconque frappe un

  1. Le Roi, dit-on, ne veut pas qu’aucun de ses sujets soit maltraité. « On ne se trompe point dans le principe, mais on l’applique mal. La sûreté et