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» La bienfaisance qui gagne les cœurs, la sévérité qui est une suite de la justice, sont les moyens de contenir les nègres… L’édit de 1685 n’empêche pas que des nègres ne périssent journellement dans les chaînes ou sous le fouet, qu’ils ne soient assomés, étouffés, brûlés sans aucune formalité ; tant de cruautés reste toujours, impunie… À Saint-Domingue, quiconque est blanc maltraite impunément les noirs. Leur situation est telle, qu’ils sont esclaves de leurs maîtres et du public… »

Et dans le 2o volume de son ouvrage, notre auteur dit encore :

« On a introduit dans la colonie, depuis l’année 1680, plus de 800 mille nègres : une pépinière aussi forte aurait dû produire des millions d’esclaves ; cependant il n’en existe dans la colonie (en 1776) que 290 mille. Ce ne sont pas les maladies qui ont affaibli jusqu’à ce point la population des noirs ; c’est la tyrannie des maîtres : elle a triomphé des efforts de la nature.[1]

» Quand même on ne voudrait regarder les nègres que comme des êtres physiques utiles à nos jouissances, il ne faudrait pas les détruire sans nécessité ; pourquoi donc les faire périr ou languir dans des traitemens barbares ?… Mais des maîtres avides n’aiment pas à voir leurs négresses enceintes ; on est, disent-ils, privé de leur travail pendant les derniers mois de leur grossesse, et l’on ne peut en retirer que de légers services jusqu’à ce que l’enfant soit sevré ; le bénéfice des crûes ne suffit

  1. « Il est prouvé que 14 ou 1500 mille noirs, aujourd’hui épars dans les colonies européennes du Nouveau Monde, sont les restes infortunés de 8 ou 9 millions d’esclaves qu’elles ont reçus. » (Encyclopédie méthodique, etc., citée par Garran dans le 1er  vol. du rapport, p. 16.)