Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 1.djvu/45

Cette page a été validée par deux contributeurs.

cesser, aujourd’hui que ces motifs n’existent plus[1].


IV.


Voyons maintenant comment cet auteur formulait les plaintes des blancs contre le gouvernement de la colonie.

» Les règlemens faits depuis la paix jusqu’en 1769, dit-il, tendaient à affranchir la colonie du joug dangereux et accablant de l’autorité militaire. Les villes françaises de Saint-Domingue étant autrefois réputées villes de guerre, il y avait dans chaque ville un lieutenant de roi, un major et un aide-major ; leur établissement avait été annoncé comme un gage de la protection du souverain et de la sûreté publique ; on ne tarda pas à être détrompé : les officiers majors ne cherchaient qu’à s’enrichir en ruinant la colonie ; ils persécutaient les habitans, ils se mêlaient de leurs différends, de leurs dettes, de leurs affaires ; ils opprimaient les magistrats, les menaçaient, et ils empêchaient le cours de la justice en s’attribuant le droit de juger ; ils vendaient dans leurs départemens la permission de tenir des jeux et de faire toutes sortes de commerces illicites ; ils se servaient de leurs richesses, fruit du brigandage et des vexations, pour se

  1. En 1838, envoyé en mission près le gouvernement de Louis-Philippe, je répondis à un homme d’État, un ministre qui me parlait de ces exclusions : « Que la France rende à la liberté nos frères qui sont esclaves dans ses colonies, et Haïti n’aura plus de motifs pour perpétuer ses préventions. »
    À un jurisconsulte qui m’entretenait de la même question, en me disant que le jeune peuple d’Haïti devrait tracer l’exemple des idées libérales dans ses institutions politiques, je répondis encore : « C’est aux nations qui sont placées à la tête de la civilisation du monde, à tracer elles-mêmes cet exemple. Voyez la Grande-Bretagne qui émancipe définitivement les esclaves de ses colonies. Que la France en fasse autant, et Haïti les imitera. »
    C’étaient du moins mon opinion personnelle et mon espoir. J’y persiste.