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dévoiler le despotisme des administrateurs[1], il fait une curieuse peinture des mœurs des créoles et des Européens, des différens élémens dont se composait la population blanche dans cette colonie et en cela, il s’accorde avec ce qu’en dit M. de Saint-Méry lui-même, dans sa Description de Saint-Domingue, avec ce que d’autres auteurs ont publié postérieurement à ce sujet : avant eux, l’abbé Raynal avait représenté cette population sous le même aspect, avec cette verve qui animait sa plume.

On peut remarquer quelles étaient, à cette époque reculée, les prétentions des créoles, dont l’auteur se fait l’organe, relativement aux emplois publics dans la colonie. Cette disposition d’esprit s’était accrue de 1776 à 1789 ; elle fait comprendre l’ardeur avec laquelle eux et tous les grands planteurs acceptèrent la révolution. Ils espéraient y arriver au moyen de cette révolution.

On peut encore remarquer dans ce passage d’Hilliard d’Aubereuil qui, par son ancienneté dans la colonie, se considérait, se réputait créole, selon son expression, quelles préventions, quel égoïsme existaient dans le cœur des colons, à l’endroit des Européens et surtout des étranger. Nous aurons plus tard l’occasion de relever de nouveau cette observation, quand il s’agira de la formation, de la constitution de la société haïtienne. Nous expliquerons alors les motifs politiques des exclusions portées contre les étrangers. Nous dirons ensuite pourquoi elles ont été maintenues, et pourquoi elles devraient

  1. Cette défense eut lieu par un arrêt du conseil d’État, du 17 décembre 1777 ; il y est dit « que cet ouvrage a fait sensation dans les colonies d’Amérique : S. M. ayant reconnu qu’indépendamment de ce qu’il contient de répréhensible (pour avoir dévoilé les horreurs du régime colonial) l’auteur s’y est permis par des imputations graves, contraires à la vérité, d’attaquer l’administration des chefs de Saint-Domingue ; elle a jugé qu’il était de sa sagesse et de sa justice d’arrêter le cours dudit ouvrage etc.