passent à Saint-Domingue ? Ce sont, en grande partie, des jeunes gens sans principes, paresseux et libertins, échappés à la main paternelle qui voulait les corriger : d’autres sont des fripons ou des scélérats qui ont trouvé le moyen de se soustraire à la sévérité de la justice quelques uns se font honnêtes gens : que devient le plus grand nombre ?… On y voit des moines déguisés et fugitifs, des prêtres ennuyés de leur état, des officiers réformés, remerciés ou cassés, des laquais, des banqueroutiers ; que dire de leurs mœurs ?… Cependant, les grands crimes sont rares dans la colonie : le peuple chez qui règne l’abondance recèle peu de meurtriers et de voleurs publics ; mais il y a déjà beaucoup de fripons, et le défaut de police et de justice fait croire que dans la suite il y en aura davantage.
» On y trouve beaucoup de jeunes gens laborieux qui viennent chercher des ressources que le lieu de leur naissance ne pouvait leur offrir, des ouvriers et des marchands, tous chargés d’abord des préjugés de leur province ; mais n’entendant plus parler de l’enfer que l’imagination échauffée de leur curé ne cessait de leur peindre, et considérant les punitions civiles dans un éloignement qui les leur rend moins à craindre, livrés d’ailleurs dans les villes de la colonie à une société perverse, il n’y a point de vices auxquels ils ne puissent s’abandonner. Leur tyrannie envers les esclaves leur paraît un droit, leur injustice un acte de puissance ; ils tirent vanité d’une friponnerie adroite, ils n’ont point de mœurs. Il y en a qui font régner dans leurs actions un mélange étonnant d’avarice, de débauche, de bassesse et de cruauté : ils ont plusieurs filles esclaves dont ils font leurs concubines ; ils les font travailler avec rigueur tant que dure la journée ; ils les