En vain le général en chef de Saint-Domingue, devenu le trop facile instrument de la politique infernale des colons et du gouvernement de la métropole, essaya-t-il de persuader aux noirs du Sud que Rigaud lui faisait la guerre parce qu’il était noir : que Rigaud était l’ennemi des noirs : ils ne le crurent pas, ils combattirent pour Rigaud avec ardeur et fidélité.
Cette organisation que fait Rigaud, des noirs affranchis en compagnies, nous prouve encore la persévérance de ses idées à cet égard. On se rappelle qu’au concordat de la Croix-des-Rouquets, du 11 septembre 1791, il fut le premier à vouloir qu’un article spécial garantît l’affranchissement des noirs suisses, et qu’il s’ensuivit le projet de les enrôler dans la maréchaussée ou gendarmerie, pour n’obtenir leur liberté qu’au bout de huit années de service. On se rappelle aussi qu’il protesta contre la déportation de ces infortunés à la baie des Mosquitos.
Après l’entrée de Roume et de Blahchelande au Port-au-Prince, l’affranchissement donné à cent quarante-quatre esclaves entraîne leur incorporation dans la gendarmerie. Dans le Sud, après le départ de Blanchelande des Cayes, Rigaud fait encore prévaloir cette idée. Ce génie d’organisation qui le distingue fait découvrir en lui l’homme qui est devenu ensuite la personnification militaire de la classe des hommes de couleur. Il a conquis cette position, à l’exclusion de Bauvais, du moment qu’il eut créé, suivant le témoignage de Pamphile de Lacroix, « le système élémentaire de petite guerre qui a fini par apprendre aux esclaves armés de Saint-Domingue qu’ils étaient des hommes et des soldats[1]. »
- ↑ Mémoires, etc., tome 1er, page 293.