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palité de cette ville, pour un bâteau où étaient entassés environ deux cents personnes de tout âge et de tout sexe, parmi les hommes de couleur, afin d’avoir, disait il, le plaisir de faire couler bas ce bâteau avec ces malheureux proscrits. À Jérémie, sur un autre navire étaient également des hommes de couleur embarques par ruse et par force. Les colons de ce lieu inoculèrent parmi eux la petite vérole pour les moissonner.

Un autre colon nommé Barillon, arrivant de Saint-Domingue à Bordeaux, apprend que la loi du 4 avril a accordé l’égalité politique à la classe de couleur ; il écrit la lettre suivante aux commissaires de l’assemblée coloniale, à Paris :


« Nos bourreaux, nos assassins, les monstres qui ont fertilisé la terre des ossemens de nos frères, triompbent donc ! Mon cœur est pénétré de la plus profonde affliction… Le décret du 28 mars est une horreur, une turpitude… Plus de colonies, plus d’esclaves ! Le décret du 28 mars est un brevet de liberté pour cent soixante-six mille révoltés. Ce décret est une monstruosité aux yeux de la politique ; c’est un crime aux yeux de la saine philosophie ; il coûtera la vie à quarante mille individus… Le salut de Saint-Domingue est impossible, si l’on ne prend le parti d’être juste et sévère envers les mulâtres, en les exterminant ou du moins en les déportant dans l’île de l’Ascension, près des îles du Prince en Guinée, en leur fournissant des vivres pour un an et des instrumens aratoires… Il est encore possible de sauver et de rétablir Saint-Domingue : j’ai conçu un plan à cet égard : le premier point est la déportation des mulâtres, et la