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elle-même à leurs efforts en leur procurant tous les moyens qui seront en son pouvoir, pour qu’ils soutiennent dignement l’honneur de son choix, et pour qu’ils remplissent avec succès l’attente et les vœux de la nation française. Elle va, dans cet esprit, leur développer ses intentions sur la conduite qu’ils auront à tenir pour faire triompher la loi et la volonté nationales de toutes les résistances qu’elles pourront encore rencontrer à Saint-Domingue, de la part de quelque réfractaire que ce soit.

Les sieurs commissaires savent qu’ils succèdent à de précédents commissaires dont l’envoi avait été décrété le 11 février 1791 ; ces derniers n’ont réussi qu’imparfaitement dans l’objet de leur délégation. Le roi ne leur rend pas moins la justice qui leur est due. Les circonstances ne leur ont pas permis d’opérer le bien qu’il était réservé à de meilleures mesures de produire. Placés entre des lois contraires relativement aux droits politiques des hommes de couleur libres, ils ont dû se renfermer dans les dispositions de la plus récente, qui mettait le sort de cette classe d’hommes à la discrétion de l’assemblée coloniale. Ils n’ont pu qu’inviter les représentans de la colonie à prononcer promptement et favorablement sur des droits jusqu’alors méconnus, qu’il importait de fixer. Ils avaient d’autant plus lieu d’espérer cet acte de justice et de convenance, que déjà l’assemblée elle-même avait annoncé des dispositions satisfaisantes sur ce point. Il est malheureux que ces dispositions aient été tout à coup refroidies par l’impatience et la prise d’armes des gens de couleur, par des concordats cimentés dans des camps, et enfin, par des révoltes d’ateliers, des meurtres, des incendies simultanés. Cette affligeante époque est devenue le signal d’une défiance, d’un aveuglement réciproque, et de torts respectifs. Dans ce conflit, les commissaires civils ont interposé la médiation la plus active ; mais les partis étaient trop échauffés, les esprits trop aigris ; néanmoins, elle avait eu quelque effet sur les mulâtres de la partie de l’Ouest. L’assemblée coloniale a persisté à exiger leur désarmement : elle a improuvé la conduite des commissaires civils ; elle s’est refusée à leurs réquisitions ; elle a décliné leur autorité, mis leurs pouvoirs en discussion : en un mot, elle les a forcés, par une rupture ouverte, à abandonner la suite de leur mission, et à repasser en Europe. Au surplus, leurs fonctions eussent bientôt cessé de droit par les dispositions de la loi du 4 avril dernier, quand même elles n’avaient pas cessé de fait, par la réunion des conjonctures dont on vient de parler. Le roi ne les retrace ici sommairement que pour faire observer aux sieurs commissaires actuels combien leur situation à Saint-Domingue