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vous donnera le secret des opérations par les quelles ses commissaires doivent conduire les nègres à l’affranchissement général.

N’en doutez pas, Messieurs, j’en suis sûr, et je vous le jure, sur l’honneur, le travail est prêt à l’assemblée nationale, et il sera prononcé aussitôt que les commissaires se seront emparés de toutes les autorités. Le projet de cette assemblée est d’affranchir tous les nègres dans toutes les colonies françaises, de poursuivre l’affranchissement dans toutes les colonies étrangères avec les premiers affranchis, et de porter ainsi la révolte et successivement l’indépendance dans tout le Nouveau-Monde ; ce qui, selon elle, lui redonnerait encore la prépondérance sur toutes les puissances de l’Europe ; et ce plan atroce qui doit faire couler tant de sang sera exécuté, si vous ne mettez toute la célérité possible dans vos résolutions, le concert le plus parfait dans vos mesures, et l’intrépidité d’un peuple au désespoir dans votre résistance. Repoussez, Messieurs, repoussez ces tigres altérés de sang : étouffez dans le cœur de ces scélérats leurs projets barbares, et méritez l’amour de vos compatriotes, et bientôt les bénédictions de l’univers sauvé, par votre courage, des convulsions atroces de ces forcenés.


Les commissaires de l’assemblée coloniale, auprès de l’assemblée nationale écrivirent à celle-ci qu’ils considéraient leur mission comme absolument finie ; mais en même temps ils ne discontinuèrent pas leurs rapports avec Lacoste, ministre de la marine et des colonies, pour le porter à engager Louis XVI à refuser sa sanction au décret du 28 mars. Ce ministre était favorable à leurs vues. Heureusement que les autres ministres combattirent auprès du roi l’influence de ces intrigues. Le décret sanctionné fut contre-signé par Roland, l’un des Girondins.

Ces commissaires écrivirent dans la colonie et dénoncèrent Garran, Brissot, Pastoret et tous les députés de la Gironde, particulièrement Gensonné qui avait présenté le projet du décret adopté par l’assemblée législative. Ils les représentèrent comme les ennemis des colons, qui préparaient l’émancipation des nègres eux-mêmes.