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S’il est prouvé que ce sont les blancs qui rompirent les premiers les concordats, dans le Sud comme dans l’Ouest ; s’ils ont commis des actes de cruauté contre les hommes de couleur, est-il étonnant que ces derniers en aient commis de semblables ? Fallait-il donc qu’au privilège de la peau, qui donnait à la race blanche à Saint-Domingue les droits politiques et la faculté de tout faire, de tout oser, elle joignît encore le privilège du crime contre la race noire ? Les représailles ne sont-elles pas dans le droit de la guerre[1] ? Les nations les plus civilisées n’en exercent-elles pas souvent ? Et quelle guerre que celle qui armait les blancs, d’une part, et les mulâtres et les nègres, de l’autre ? Quel en fut le principe, le but, quelles en furent les causes et les nécessités ? Si Augustin Rigaud a dit, a proclamé — qu’il n’était plus temps de feindre ni de composer, qu’il fallait nécessairement qu’une des deux classes (mieux dire qu’une des deux races) fît place à l’autre ; » — il n’a eu en cela que l’avantage, nous n’osons dire le mérite, d’avoir prévu ce qui arriverait en 1804. Toute cette longue histoire de la révolution de Saint-Domingue démontre malheureusement cette impérieuse nécessité, à chacune de ses pages, du moment (observons-le

    son éducation fut soignée. Prisonnier dans l’attaque dirigée par les blancs contre le camp Mercy, le 8 février 1792, il fut d’abord roué, goudronné et brûlé encore vivant.

  1. « Je ne puis me refuser à une réflexion dont la justesse et l’évidence vont, j’espère, vous frapper. Qu’on entasse dans les deux bassins d’une balance, d’un côté, les crimes que l’on reproche aux blancs, de l’autre ceux des hommes de couleur ; qu’on suppose, si l’on veut, que les plus grandes horreurs ont été commises par les hommes de couleur, cela n’empêchera pas de penser que ceux qui, les premiers, ont manifesté des prétentions injustes, ceux qui ont, les premiers, refusé d’accorder une chose juste, ont été les premiers agresseurs, les premiers provocateurs de la guerre civile, par conséquent seuls responsables de toutes les représailles qui en ont pu être la suite. » — (Paroles de Polvérel aux Débats, tome 2, page 85.)