Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 1.djvu/322

Cette page a été validée par deux contributeurs.

bras ensanglantés, vengeurs du parjure et de la perfidie, dans le sein de ces monstres d’Europe. Assez et trop longtemps nous avons servi de jouet à leurs passions et à leurs manœuvres insidieuses ; assez et trop longtemps nous gémissons sous un joug de fer.

Détruisons nos tyrans, ensevelissons avec eux jusqu’aux moindres vestiges de notre ignominie : arrachons, jusqu’à ses racines les plus profondes, cet arbre du préjugé. Engagez les uns, intimidez les autres ; promettez, menacez, entraînez dans votre marche les citoyens blancs et vertueux ; mais surtout, chers amis, union, courage et célérité ; amenez-nous bagages, canons, munitions de guerre et ce bouche, et venez de suite vous rallier sous l’étendard commun ; c’est là que nous devons tous périr ou venger Dieu, la nature, la loi et l’humanité, si longtemps outragés dans ces climats d’horreur.


Juste Chanlatte, rédacteur de cette adresse, était alors dans toute la vigueur de la jeunesse. D’un caractère violent, il révélait déjà dans cette pièce le futur secrétaire général de J.-J. Dessalines, auteur de la proclamation du 28 avril 1804 où se retrouvent plusieurs des pensées exprimées en 1791[1].

L’armée des hommes de couleur forma le siége du Port-au-Prince, Bauvais du côté de la plaine au nord, et des mornes de la Charbonnière à l’Est, Rigaud du côté du sud, campé à Bizoton et à Martissans où il établit des pièces de canon qui inquiétaient les assiégés. Ils détournèrent les eaux qui alimentent les fontaines de cette ville, et empêchèrent toutes communications entre elle et le dehors.

Dans l’intérieur de la ville, Praloto et ses sicaires ne mirent plus de bornes à leur scélératesse. Assouvissant leur rage sur les blancs qu’ils soupçonnaient d’être des

  1. C’est à la même époque que J. Chanlatte nomma le Port-au-Prince, Port-aux-Crimes. Il lui appliqua de nouveau ce nom, en 1807, dans une diatribe qu’il publia contre les membres du sénat de la république. Il était alors un des secrétaires de H. Christophe.