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ses voisines, et non ceux de la Grande-Anse et de Tiburon.

Tandis qu’André Rigaud avançait vers l’Ouest, avec une armée d’environ mille hommes, composée de citoyens libres de toutes couleurs, pour aider les confédérés de la Croix-des-Bouquets, sa lettre aux hommes de couleur des Cayes (qu’on a mal à propos attribuée à son frère Augustin Rigaud) produisait son effet. Cette lettre fut datée d’Aquin où il était en ce moment. Nous la donnons ici en son entier, afin que le lecteur juge sous quelle impression était André Rigaud en ce moment ; car pour être impartial, il faut connaître toutes les circonstances qui accompagnèrent cette provocation de sa part.


Aquin, le 24 novembre 1791.
Mes chers frères et bons amis,

Je suis parti du Port-au-Prince, dimanche (le 20) ; j’avais tout laissé en paix. Je faisais diligence pour vous joindre et vous embrasser tous. Étant à Saint-Michel, je reçus un exprès du Petit-Goave qui m’annonce que nos frères du Port-au-Prince ont été assassinés par leur trop grande confiance. Je l’avais bien prédit, je vous l’avais bien marqué, bien assuré. Bauvais tué, Faubert égorgé sur son lit, et beaucoup d’autres de nos frères sacrifiés. On me demande surtout ma promesse de vouloir bien les secourir à la première réquisition ; et je ne suis arrivé à Aquin que pour prévenir nos frères de la surprise, et vous prévenir aussi aux Fonds et aux Anses. Ma douleur est bien grande, de ne pouvoir arriver : le sang de mes camarades veut être vengé, je veux mourir en emportant le souvenir qu’il est vengé.

Je viens d’apprendre que nos frères de Léogane et du Petit-Goave ont désarmé tous les blancs, et se préparent à marcher contre le Port-au-Prince.

La paroisse d’Aquin vient d’accepter le traité de paix ; mais il n’y a aucune sûreté avec des hommes aussi pervers. Le coup est sûrement concerté aux Cayes, et partout. Prenez garde à vous ; quittez la ville ;