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plus adroits que les chefs de l’armée qui donnèrent dans le piége, il fallait avouer cette faiblesse, ce crime ; car la déportation des suisses, quoi qu’on dise, est un crime que la conscience condamne, qui révolte également l’esprit et le cœur humain. C’est la raison d’État qui persuada ces chefs de prendre cette mesure, après qu’ils eurent réglé le sort des suisses. Ils se condamnèrent en quelque sorte eux-mêmes quelques mois après, en faisant garantir l’affranchissement de cent noirs dans la paroisse de la Croix-des-Bouquets, et de quarante-quatre autres dans celle de l’Arcahaie, pour servir pendant cinq ans dans la gendarmerie[1]. En octobre 1791, ils pouvaient donc, ils devaient maintenir la même mesure dont ils eurent l’heureuse initiative, au dire de Hanus de Jumécourt. Sinon, il fallait de nouveau pousser le cri de guerre de Daguin : Tambours, battez la générale ! recommencer la lutte dans l’enceinte du Port-au-Prince, alors que toute l’armée y était présente. Si, quelques jours plus tard, ils l’ont soutenue malgré l’éloignement de beaucoup d’entre eux, trop pressés d’aller au sein de leurs familles, que n’eussent-ils pas fait quatre ou cinq jours après la signature du traité de paix ?

Ensuite, Rigaud ne pouvait-il pas réfuter Sonthonax par ses propres aveux faits devant la commission des colonies, dans les Débats avec les colons qui accusèrent Polvérel et lui ? En effet, dans la séance du 19 pluviôse an III (7 février 1795), qu’a dit Sonthonax, à propos des dix-huit suisses qui avaient survécu à l’égorgement commis dans la rade du Môle, et aux maladies, à la misère qui moissonnèrent les autres ? Transcrivons ici les propres

  1. Rapport de Roume, page 46.