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les colons du Port-au-Prince. Voyez ensuite comment Lambert, dégoûté d’un rôle pour lequel il n’était pas fait, se laisse entraîner, comme d’autres hommes de la classe des affranchis, à se soumettre aux Anglais auxquels les colons livrèrent cette ville en 1794, s’effaçant dès lors de la scène politique pour conserver toujours, jusqu’à sa mort, l’estime des honnêtes gens de tous les partis[1].

Peut-on dire, de Bauvais et de Lambert, que ces deux généraux ont été mus par des préjugés de couleur, dans l’affaire des suisses ? Après les colons toujours si perfides, Sonthonax et Toussaint Louverture sont venus soutenir cette thèse, indigne de la supériorité de leur esprit. Mais la postérité ne les croira pas ; car si la majorité des suisses était composée de noirs, il y avait parmi eux des mulâtres. Lambert, nègre libre, ne pouvait sacrifier les uns comme mulâtres ; Bauvais, mulâtre libre, ne pouvait sacrifier les autres comme noirs.

Examinons maintenant ce qui est personnel à Pinchinat, ce patriote éclairé qui a mérité à tant de titres la vénération de son pays.

Cinq années après la déportation des suisses, lorsque Sonthonax revint à Saint-Domingue comme chef de la commission civile dont Julien Raymond faisait partie, il lança une proclamation en date du 23 frimaire an V (13 décembre 1796), contre Rigaud, Pinchinat et tous les hommes de couleur du Sud, à propos des troubles occasionnés aux Cayes par sa délégation, au mois de fructidor an IV (août et septembre 1796). Dans cet acte,

  1. Lambert, est mort au Port-au-Prince, sous le règne de Dessalines. Nous avons connu cet homme vénérable, que les blancs eux-mêmes, avaient toujours respecté