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ver la mémoire de Bauvais, de Lambert, de Pinchinat.

Quant à Bauvais, homme de bien qui a su conserver l’estime de tous les partis dans ces luttes révolutionnaires ; homme vertueux par tempérament, par principes et par coutume, selon l’expression de Roume, on aurait lieu de s’étonner, après un tel éloge, de son avis favorable à la déportation des suisses, si l’histoire n’avait pas à constater d’autres faits de sa conduite politique, qui prouvent que son caractère, par trop scrupuleux, nuisait à la mission qui lui était dévolue dans la révolution entreprise par sa classe. En effet, on l’a vu toujours soumis aux formes, sacrifier à un respect outré pour la légalité, des devoirs importans que les circonstances imposent souvent à un chef révolutionnaire. La seule conclusion qu’on puisse tirer de la conduite de Bauvais dans l’affaire des suisses, c’est qu’il crut devoir tout sacrifier, en cette circonstance, au désir de maintenir la paix qu’on venait de faire à Damiens. Voyant les blancs du Port-au-Prince persister dans leur demande d’éloigner ces hommes, le concordat du 23 octobre étant déféré à la sanction de l’assemblée nationale de France, Bauvais aura cru qu’il fallait donner une preuve du désir des affranchis, de concilier leur cause avec celle des colons. Car, pour lui, à ses yeux, l’autorité de la métropole était tout. Il lui a toujours semblé qu’il fallait sans cesse se courber devant elle ou devant ses agens à Saint-Domingue.

À l’égard de Lambert, second général de cette armée de 1791, homme non moins respectable par ses qualités personnelles, ses motifs ne peuvent avoir été autres que ceux qui déterminèrent son collègue : — faiblesse politique, en présence d’une situation qui exigeait la fougue révolutionnaire de Rigaud et de Daguin, pour intimider