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mon pays, si je reste dans le vrai quant à leurs causes, si je loue l’énergie de nos pères, je ne dissimulerai pas néanmoins les actions criminelles qui ont accompagné la conquête de leurs droits. Je ne les justifierai pas, parce que la morale réprouve une telle justification, et que les crimes n’ennoblissent jamais la cause de la Liberté. Mais je les expliquerai, je les excuserai peut-être, en raison des atrocités qui les provoquèrent.

Au tribunal de l’Histoire comme à celui de la Justice, l’excuse peut faire absoudre ; elle ne fait pas acquitter. Mais l’Histoire, de même que la Justice, prend toujours en considération l’état intellectuel et moral des hommes, pour les juger équitablement.

Je ne redoute point son jugement pour mon pays.


On connaîtrait bien imparfaitement l’histoire d’Haïti, on saisirait bien difficilement les causes de ses diverses révolutions, de ses guerres intestines, si l’on ignorait quelle était, en 1789, l’organisation politique de Saint-Domingue, sous le rapport de la société et du gouvernement. Cette société et ce gouvernement ont exercé une influence immense sur l’ordre de choses qui a prévalu en ce pays. Ainsi les États-Unis sont devenus ce qu’ils devaient être, d’après le régime qui existait dans ces anciennes colonies anglaises. Ainsi encore de toutes les anciennes colonies espagnoles en Amérique.

Tout s’enchaîne, en effet, dans l’existence des peuples : ils subissent plus ou moins, et quoi qu’ils fassent, l’influence des traditions antérieures.

Haïti éprouve encore bien des embarras que lui a légués le funeste régime établi à Saint-Domingue.

Une revue rétrospective à ce sujet entre donc dans