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mandement. Pour lui, faible et chétif, et connu de ses camarades par le nom de Fatras Bâton, il se trouvait trop honoré de la place de secrétaire de Biassou. C’est de ce poste obscur où il se plaça lui-même, que, caché derrière le rideau, il dirigeait tous les fils de l’intrigue, organisait la révolte et préparait l’explosion. Il savait lire et écrire, et c’était le seul. Cet avantage lui en donna un immense et le rendit l’oracle des conjurés. Il était, ou se disait dépositaire de pièces qui autorisaient la rébellion et les moyens atroces qu’on employait pour la soutenir ; son répertoire était garni de lettres des princes, d’ordres du gouverneur, d’édits et de proclamations du roi. Il paraît constant que te gouvernement ne fut pas étranger aux premiers mouvemens, et qu’il voulut exécuter le plan formé à Pilnitz et à Paris d’anéantir Saint-Domingue pour amener en France la contre-révolution, par le bouleversement total, inséparable de la ruine entière du commerce, suite infaillible de celle de la colonie ; et il est assez vraisemblable que ces titres furent presque tous son ouvrage. Jusqu’où et jusqu’à quand Toussaint fut-il la dupe de ces jeux politiques ? On l’ignore. Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’il s’en servit habilement pour faire mouvoir les Africains, naturellement portés à l’idolâtrie monarchique et plus frappés du nom d’un roi et de l’éclat du trône, que de la majesté d’une république, à l’idée de laquelle ils sont pour la plupart incapables de s’élever. »


En voilà assez, sans doute, de toutes ces citations pour prouver que plusieurs causes contribuèrent à cette révolte des esclaves ; qu’il est fort probable que les blancs contre-révolutionnaires y ont grandement trempé ;