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et tous ses descendans, d’opprobre et d’ignominie ?

Mais, est-il bien vrai que les mulâtres des colonies aient manqué, dans leurs relations privées, au respect et à la reconnaissance qu’ils sentaient devoir aux blancs qui leur donnèrent le jour ? De ce que, comme une classe notable de la population de ces pays, ils ont aspiré à jouir des droits qui leur étaient garantis par les lois naturelles et positives, s’ensuit-il qu’ils étaient des ingrats, des fils dénaturés ? Si, d’un côté et malgré le préjugé politique, il y a eu incontestablement de bons pères parmi les blancs colons, de l’autre n’y a-t-il pas eu aussi de bons fils parmi les mulâtres ? Ce que nous venons de relater de la part de Maximilien Borgella, en est une des mille preuves que nous pourrions administrer. Que les colons aient persévéré dans leur affreux système, en dépit des lumières du siècle, il n’était pas raisonnable qu’ils exigeassent de la part des hommes de couleur le renoncement à tout sentiment de leur propre dignité, alors que cette classe, accrue par sa propre reproduction, s’était éclairée et avait acquis des richesses par son industrie.

Concluons donc que rien ne fut plus injuste que les reproches adressés à ces hommes par les colons.


Le jeune Borgella n’avait qu’un an quand il perdit sa mère. Celle-ci avait une sœur. Fillette La Mahautière, qui prit soin de son neveu avec toute la tendresse maternelle : elle le mit à l’école de bonne heure. En 1783, son pupille ayant atteint sa dixième année, elle quitta le Port-au-Prince pour aller habiter les Cayes. Elle voulait l’y emmener avec elle, mais la grand’mère de cet enfant, Olive Lebeau, ne put consentir à l’éloignement