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dernières paroles, ses derniers vœux pour elle, et j’ai pris dès lors l’engagement d’écrire sa vie.

En me dévouant à cette œuvre où j’espère réhabiliter la mémoire de cet homme de bien, j’avoue néanmoins que j’éprouve une certaine appréhension. J’ai à parcourir toutes les phases des diverses révolutions qu’a subies Haïti, des luttes intestines qu’elles ont produites : je crains de rester au-dessous de la tâche que je m’impose. Ce sujet est si intéressant et si difficile en même temps ; et l’étude de toutes les causes qui ont contribué à constituer ce pays en État libre, indépendant et souverain, est si délicate, que je me défie de mes appréciations des choses, des événemens et des hommes. Mais, je puis promettre à mes lecteurs ce qui dépend certainement de moi : — d’être vrai et sincère en tout ce que je dirai, selon mes propres impressions.

La carrière du général Borgella n’a pas été toute militaire : comme celle de plusieurs de nos célébrités guerrières, elle a eu son côté politique. Sous ce dernier rapport, deux circonstances importantes l’ont distingué entre ses contemporains ; elles ont valu à ce vétéran de nos armées une destinée bien différente, tout en influant puissamment sur celles de son pays. Je veux parler de la scission du département du Sud, de 1810 à 1812, et de la révolution de 1843. Ces deux circonstances dominent cette vie si pleine de généreux sentimens : elles viendront en leur lieu se soumettre au creuset de l’examen.

Et ce n’est pas seulement pour témoigner de mon respect tout filial envers la mémoire du général Borgella, que j’entreprends cet ouvrage : c’est aussi un aveu que je prétends faire de la conformité de principes et de senti-