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mort d’Ogé et de ses compagnons, mais à quelle époque ces commissaires furent-ils envoyés ? Au mois d’octobre, huit mois après le décret ! Les intrigues des colons présens à Paris avaient empêché leur départ : le gouvernement cédait à ces intrigues ! Ce gouvernement pouvait-il avoir de la compassion pour ces mulâtres rebelles, lorsqu’il envoya la décoration de la croix de Saint-Louis à Don Garcia, pour le récompenser de les avoir lâchement livrés à leurs bourreaux ?

Suivant toujours leur odieuse tactique, d’accord avec Barnave, qui a tant servi leurs passions et qu’ils ont envoyé aussi à l’échafaud des terroristes, les planteurs étaient sur le point d’obtenir de l’assemblée nationale la consécration de toutes leurs prétentions, quand la nouvelle de l’exécution d’Ogé et de ses compagnons parvint en France. Ces supplices horribles, infligés à des hommes qui réclamaient un droit créé en leur faveur d’une manière assez claire, par l’article 4 du décret du 28 mars, excitèrent les sympathies de plusieurs sociétés populaires. Celles d’Angers, de Châlons, de Bordeaux, s’adressèrent à l’assemblée nationale et réclamèrent en faveur des hommes de couleur. J. Raymond lui-même adressa une lettre pathétique à cette assemblée.

Ces exécutions barbares firent réfléchir aux représailles, aux vengeances que pourraient exercer contre les blancs les hommes de couleur, aussi nombreux qu’eux. La déclaration même que fit Ogé dans ses lettres, qu’il ne ferait pas soulever les esclaves, prouva que cette classe tenait dans ses mains un levier dont elle pourrait se servir pour renverser le régime colonial et bouleverser Saint-Domingue. Alors, l’assemblée nationale comprit le danger d’une telle situation : elle tran-