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eût voulu, eût osé le défendre ? Ne savait-il pas qu’il était destiné aux gémonies ?…

Après deux mois de procédure, « Vincent Ogé et Jean-Baptiste Chavanne furent condamnés à avoir les bras, jambes, cuisses et reins rompus vifs, sur un échafaud dressé à cet effet, au côté opposé à l’endroit destiné à l’exécution des blancs, et à être mis par le bourreau sur des roues, la face tournée vers le ciel, pour y rester tant qu’il plairait à Dieu leur conserver la vie ; ce fait, leurs têtes coupées et exposées sur des poteaux ; savoir, celle de Vincent Ogé sur le grand chemin qui conduit au Dondon, et celle de Jean-Baptiste Chavanne, sur le chemin de la Grande-Rivière, en face l’habitation Poisson. » Leurs biens furent en outre confisqués au profit du roi.

Tels furent les termes de cette sentence de mort.

Ces deux martyrs furent exécutés le 25 février 1791 : ils périrent courageusement. Les traditions du pays attestent qu’ils honorèrent leur fin tragique par une résignation héroïque[1].

Toutefois, Chavanne, qui avait une foi ardente dans l’avenir de sa race, Chavanne, en montant sur l’échafaud, en appela à la postérité pour venger leur mort.

  1. Bryand Edwards dit que Chavanne subit son sort avec une fermeté rare, sans se permettre un soupir pendant toute la durée de ses tortures ; mais que la force d’Ogé l’abandonna entièrement, qu’il implora miséricorde, les larmes aux yeux, etc., et qu’il avait un secret important à communiquer, etc. Mais tout ce qu’il dit de V. Ogé prouve qu’il le confond avec Jacques Ogé. Un colon, commentateur de l’histoire de Bryand, dit seulement qu’on fut forcé de hâter le supplice de V. Ogé, parce qu’étant condamné, il refusa de prendre toute espèce de nourriture. Après Bryand Edwards, Malenfant prétendit qu’Ogé demanda un sursis le matin du jour de l’exécution, en représentant qu’il pouvait rendre les plus grands services, etc. Il ne dit pas qu’il montra aucune faiblesse. Sa narration prouve qu’il a confondu également V. Ogé avec Jacques Ogé, dont les blancs prétendent avoir reçu un testament de mort, et à l’exécution duquel ils avaient sursis