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avaient conspiré contre la sûreté des deux colonies, et que pour ce motif il fallait les garder, afin d’instruire contre eux. Il déguisait ainsi la sympathie que ces infortunés lui inspiraient[1].

Le 21, après une séance de plus de six heures, présidée par Don Garcia, où « ce gouverneur déclara verbalement à l’audience royale, l’importante nécessité et l’utilité de remettre les criminels au gouvernement colonial, pour éviter beaucoup de funestes conséquences, » l’audience royale, qui rappelle ce fait, étant consultée, émit son opinion pour la remise des prisonniers. Elle déclara que sur les trois oidors ou juges qui la composaient, deux partageaient l’avis du gouverneur-président, et que le troisième concluait à faire rapport à la cour d’Espagne et à attendre ses ordres. Comme le fiscal, l’audience royale rappela le traité de police, et cita une réclamation adressée par le gouvernement de Porto-Rico à celui de Saint-Thomas, pour un cas de fausse-monnaie, dans laquelle les accusés furent remis. Telle fut l’analogie forcée qu’elle employa pour prouver qu’il fallait livrer Ogé et ses compagnons. Le régent de cette cour royale se nommait Urisar, et les deux oidors Catani et Brabo : le document n’indique pas les opinions personnelles de ces juges.

Ainsi, sur les cinq personnages consultés par Don Garcia, trois étaient du même avis que lui. Cet avis prévalut ; la politique et le préjugé l’emportèrent sur

  1. Nous regrettons d’être forcé à une simple analyse de cette opinion de Faura, où il a donné des preuves d’un esprit solide et étendu, en même temps que de ses sentimens d’humanité. Faura était un homme respectable par ses mœurs et par ses lumières. Quand la cour d’Espagne connut son opinion, elle l’approuva, non à cause de sa sympathie pour les prisonniers, mais par les considérations politiques que Faura avait exposées ; elle l’éleva à des charges supérieures.