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trouver le moyen de les arrêter, ainsi qu’Ogé lui-même.

Dans la nuit du 27 au 28 octobre, une vingtaine de blancs vinrent chez Chavanne pour s’assurer si Ogé y était : ils y trouvèrent une dizaine de mulâtres qui se présentèrent à eux armés ; Ogé se tenait dans une pièce particulière. Dans ses interrogatoires, il déclara qu’il dormait dans ce moment, et qu’on ne le réveilla pas : Chavanne confirma cette déclaration. Les blancs se retirèrent sans rien faire d’offensif ; mais l’un d’eux déclara à madame Chavanne que leur but était d’arrêter Ogé seul. Informé de cette circonstance après qu’ils se furent retirés, Ogé résolut de commencer le désarmement de tous les blancs de la Grande-Rivière ; et au jour, cette opération eut lieu. Sa troupe se grossit dans la journée du 28 et fut portée, le lendemain, à environ 250 hommes, selon la déclaration de Chavanne.

Dans ce désarmement, les hommes de couleur ne firent aucun mal aux blancs qui remirent leurs armes ; mais l’un d’eux, un boucher nommé Sicard, ayant opposé de la résistance, fut tué. Ce fut un assassinat. Vincent Ogé n’y prit personnellement aucune part ; ce crime ne fut point commis en sa présence, et il le blâma.

Le sang avait coulé, la guerre était commencée !…

Et cependant, quand des mulâtres et des nègres libres étaient naguère assassinés lâchement dans leurs demeures, eux et leurs enfans, cette classe d’hommes n’avait pas considéré la guerre commencée entre eux et leurs ennemis ! Mais ici, il s’agissait d’un privilégié de la peau : le crime était irrémissible !

C’est alors, le 29 octobre, qu’Ogé adressa sa lettre au président de l’assemblée provinciale du Nord, et celle qu’il écrivit à M. de Vincent, commandant militaire de