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la soirée, pour ne pas être reconnu, attendu que les blancs se préparaient à le pendre aussitôt son arrivée. Après avoir passé peu d’heures au Cap, il se rendit chez lui, au Dondon.

Son retour dans la colonie ne put être longtemps un mystère. Avis en fut donné aux autorités du Cap où dominait l’assemblée provinciale du Nord : des dispositions furent aussitôt prises pour opérer son arrestation[1]. Averti du sort qu’on lui réservait, il se rendit à la Grande-Rivière, chez Jean-Baptiste Chavanne, son ami, l’un de ces braves mulâtres qui s’étaient enrôlés pour l’expédition de Savannah, en Géorgie, sous les ordres du comte d’Estaing.

En se concertant sur les mesures qu’il fallait prendre pour atteindre son but, Ogé trouva en Chavanne un esprit plus clairvoyant, plus déterminé que le sien ; car, convaincu de la forte organisation que possédaient les blancs, tous d’accord entre eux, depuis le gouverneur général jusqu’au dernier des petits blancs, pour le maintien de la servitude et du préjugé contre tous les hommes de la race africaine, Chavanne lui proposa de soulever immédiatement les esclaves, afin d’arriver avec

    Borgella, commandant de l’arrondissement, habitait le palais national, ancienne demeure des gouverneurs espagnols, où se trouvaient les archives du gouvernement de cette colonie, restées intactes, malgré la succession des différens pouvoirs dans cette partie. Mon frère, C. Ardouin, y avait découvert déjà l’instruction suivie par Don Joachim Garcia contre Ogé, Chavanne et leurs compagnons, outre une infinité de documens relatifs aux troubles de Saint-Domingue. Nous eûmes la curiosité de traduire les principaux interrogatoires, et de faire l’analyse de cette procédure : nous copiâmes également les opinions émises au sujet de l’extradition des accusés. Je pris ensuite quelques-uns de ces documens, par l’autorisation du général Borgella.

  1. Débats sur les colonies, tome 1er, page 254. Voyez ce que dit Verneuil de l’ordre donné pour arrêter Ogé : celui-ci l’intercepta et le fit lire à ce colon furibond, alors son prisonnier, qu’il traita avec beaucoup de ménagemens, d’après son propre aveu : il le relâcha ensuite.