rent de fureur contre les esclaves, contre les hommes de couleur surtout : elles se distinguèrent à l’envi l’une del’autre dans cette haine aveugle et imprévoyante. La classe des petits blancs se manifesta en tous lieux par son acharnement, empreint de toute la brutalité de ces hommes pour la plupart illettrés.
Habitués à cette domination tyrannique que depuis un siècle et demi ils exerçaient sur les hommes de la race africaine, les blancs ne se rappellent plus les prédictions des philosophes qui les avaient avertis des dangers qu’ils couraient ; ils ne pouvaient croire à ces paroles de l’orateur éminent de la révolution française : Habitans des Antilles, vous dormez au pied du Vésuve !
L’éruption du volcan a justifié les prévisions de Mirabeau ; mais elle n’a eu lieu que par les divisions entre les blancs eux-mêmes, les différentes catégories de cette classe ayant des intérêts distincts, ainsi que nous l’avons vu. Elle a eu lieu par l’injustice persévérante, et du gouvernement royal, et de ses agens à Saint-Domingue, et des assemblées des blancs, contre les affranchis ; car, s’ils avaient voulu reconnaître à ces derniers les droits à l’égalité politique, il est à présumer que l’esclavage des noirs eût été maintenu longtemps encore, par la coalition des intérêts de tous les hommes libres. Sans doute, un adoucissement eût été porté au sort des masses, les hommes de couleur ayant prouvé leurs désirs et leur intention à cet égard ; mais on n’y aurait procédé qu’avec lenteur.
La liberté et l’humanité doivent donc se féliciter de cette injustice qui a accéléré l’émancipation des noirs. La Providence veillait pour eux.