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Il n’hésita pas à déclarer tout ce qu’il prévoyait de funeste pour l’avenir de Saint-Domingue, si les colons persistaient à maintenir le régime colonial, tel que le temps l’avait fait ; et en cela, il plaidait la cause des noirs, dans l’esclavage, contre tous les maîtres sans distinction de couleur. Mais cet aveu loyal, cette déclaration franche des droits de toutes les races à la jouissance de la liberté, échappés de la bouche de ce jeune homme ardent, qui fut presque le seul colon qui daigna jeter un œil de pitié sur les esclaves noirs[1], loin de persuader les membres du club Massiac, furent au contraire ce qui porta ces colons encroûtés de préjugés, à résister davantage aux réclamations des hommes de couleur, parce qu’ils reconnurent dès lors qu’il était impossible que ces hommes ne fussent pas amenés à agir en faveur des esclaves, dès que leurs propres prétentions auraient été reconnues fondées.


En même temps que ces commissaires agissaient en Europe en faveur de leur classe, les hommes de couleur, à Saint-Domingue, faisaient également des efforts pour être admis aux assemblées qui furent formées par les blancs.

Au Cap, un mulâtre nommé Lacombe, fut pendu par eux, pour avoir présenté une humble supplique où il réclamait l’application du principe des droits de l’homme en faveur de sa classe. Cette pétition fut jugée incendiaire, parce qu’elle commençait par ces mots : Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi, cette formule religieuse que cet infortuné imagina pour les toucher, pour leur

  1. Rapport de Garran, t. 4, p. 20, Ogé avait 33 ans alors.