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ces deux provinces : c’était du reste une nécessité des circonstances, quoiqu’il se fît un devoir de déférer aux ordres de Laveaux, officier européen, gouverneur général de Saint-Domingue. Mais Polvérel, dans sa méfiance contre Montbrun, et pour arriver à ce résultat, avait flatté inconsidérément, intentionnellement, la vanité et l’orgueil de Rigaud. Devenu simple général de brigade comme Bauvais, Toussaint Louverture et Villatte, mais toujours chargé de la défense du Sud, Rigaud s’est vu contraint de résister à l’injustice de Sonthonax qui, revenu en 1796 et par ressentiment contre les hommes de couleur en général, voulut le remplacer par Desfourneaux. Dans son étrange aveuglement, Sonthonax ayant élevé Toussaint Louverture, d’abord au grade de général de division, puis au rang de général en chef de l’armée coloniale, Rigaud, justement mécontent de cette partialité, s’est vu ensuite autorisé par Hédouville à désobéir à ce chef de l’armée. Pendant les dissensions qui s’en suivirent entre ces deux rivaux, également ambitieux, également méritans par leurs brillans succès contre les ennemis de la France, Rigaud a encore vu une partialité coupable de la part de Roume pour son concurrent.

Subissant alors, malgré lui, peut-être même à son insu, l’influence de la jalousie traditionnelle du Sud contre le Nord ; placé sous l’empire des principes démocratiques qui l’animaient, si Rigaud s’est cru légitimement autorisé à entrer en lutte avec son adversaire, Toussaint Louverture, à son tour, se prévalant avec raison de son titre de général en chef, n’a pas moins éprouvé l’impulsion des principes aristocratiques du Nord, des sentimens jaloux préexistans dans cette province contre les deux autres, alors qu’il avait encore des vues rétrogrades,