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Avant la révolution coloniale, on citait avec raison une foule de noirs parmi les affranchis du Nord, chefs de familles respectables, presque toutes liées en légitime mariage, offrant des sujets distingués, des hommes éclairés, ayant de la représentation, de la dignité dans les manières comme de la régularité dans les mœurs, mais ayant aussi des inclinations aristocratiques. M. de Saint-Méry parle avec éloge de plusieurs d’entre eux qui, à des titres différens, méritèrent toujours la considération publique même de la part des blancs. Il cite nommément deux noirs, Vincent Ollivier et Étienne Auba, qui, étant devenus capitaines des milices de leur couleur, dans les paroisses qu’ils habitaient, eurent la faculté de porter l’épée du roi (sic) jusqu’à leur mort arrivée à un âge avancé, et obtinrent même une pension viagère sur les fonds coloniaux[1]. Ces exemples vivans d’une respectabilité acquise par une conduite honorable, contribuèrent beaucoup à la pureté des mœurs que nous venons de signaler.

Mais dans l’Ouest et dans le Sud, où l’aristocratie des blancs avait moins de représentans, où les mulâtres étaient plus nombreux, c’est dans cette classe qu’on remarquait des hommes plus éclairés, des familles respectables par leurs mœurs, étant la plupart mariées comme les affranchis du Nord. Ce sont ces familles qui envoyaient le plus d’enfans en France pour recevoir une éducation libérale. Qu’on ne s’attende pas à trouver, dans l’ouvrage de M. de Saint-Méry, la mention de ces

  1. Vincent Ollivier mourut à la Grande-Rivière, à l’âge de 120 ans, et Étienne Auba, à l’âge de 98 ans. (Voyez M. de Saint-Méry, t. 1er, p. 179 et 224.) À cause de sa haute stature, Vincent Ollivier fut présenté à Louis XIV : il fit ensuite les guerres d’Allemagne, sous Villars.