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lées. Les premières manœuvres alpines sont finies, les troupiers ont déposé le fusil pour prendre la pioche et la pelle. Comme jadis les armées de Napoléon, comme nos troupes d’Afrique, ils ont ouvert des chemins sur des hauteurs où seul le chasseur de chamois passait sans frayeur. Avec des moyens rudimentaires, ils construisent des ponts, tracent des sentiers sur le flanc des précipices et préparent aux canons des emplacements sur des crêtes où les neiges ne fondent presque jamais. Chaque hiver les avalanches, les chutes d’eau, le dégel détruisent quelque partie de cette œuvre ; dès le printemps tout est réparé.

Nos alpins font, à ce point de vue, un travail prodigieux. Il faut voir, dans les hautes vallées, leurs équipes attaquer la roche, jeter sur les torrents des ponts hardis et, malgré la fatigue, conserver leur admirable tenue, pour comprendre à quel point notre race tant calomniée est restée militaire. J’en ai rencontré dans la haute vallée de l’Ubaye, où les cantonnements sont misérables. D’autres, dans les belles forêts de mélèzes du col de Vars, ont installé des camps pittoresques. Sous les grands arbres, à la tendre et légère verdure, élancés comme des mâts de navire, les tentes s’alignent ; au front de bandière montent les fumées des cuisines. C’est la solitude absolue, un véri-