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LE LIEUTENANT MARQUISET.

monde, le goût du bien et du beau. De solides études commencées au collège de Dôle, s’achevèrent à Paris au collège Bourbon ; admissible à Saint-Cyr en 1845, il préféra cultiver plus librement le domaine de ses connaissances qui devinrent infiniment variées ; il tenait à tout pénétrer et sa prodigieuse mémoire ne connaissait aucune lassitude. Quel que fut le sujet traité, il pouvait en parler comme s’il en avait fait une étude toute particulière. Souvent on l’interrogeait par curiosité, ou encore pour le mettre en défaut ; la réponse ne se faisait jamais attendre, elle était parfois accompagnée d’une fine saillie, enveloppée avec soin, car il recherchait en tout une parfaite simplicité. Avec une intelligence si cultivée, son esprit original et primesautier, son amour profond des beautés de l’art lui rendaient précieux le séjour de Paris ; il y faisait de fréquents voyages lorsque son père vint se retirer à Fontaine, dans cette jolie propriété qui devait lui appartenir plus tard. Bientôt son goût artistique devint dominant : admis à l’atelier de Jean Gigoux, une gloire de la Comté, il devint un de ses disciples les plus ardents et noua dès lors avec le maître une touchante amitié que la mort seule put délier.

Il prouvait à l’occasion que les envolées de l’art ne le rendaient point insensible aux misères de ce monde. Au cours d’une de ses stations à Fontaine, le choléra de 1854 éclata. Avec cet esprit de résolution opiniâtre et calme qui était dans son caractère, le voilà se consacrant nuit et jour aux cholériques, en secourant beaucoup, en sauvant quelques-uns[1] et rassurant tout le pays par une énergie que rien ne put troubler. Une médaille d’honneur lui fut décernée par le Gouvernement.

Échappé aux dangers de la contagion, il reprit avec la même sérénité ses pinceaux et ses livres. Lié avec les plus grands artistes de notre époque, il aimait à les recevoir à la campagne comme ils voulaient être reçus, attentif à leur procurer les distractions et la société qui leur plaisaient. Son hospitalité

  1. Son habitude était d’ailleurs de visiter et de conseiller utilement les malades, car tous les médecins du pays étaient ses amis et leur expérience l’avait dressé pour ainsi dire à cette concurrence généreuse.