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LE LIEUTENANT MARQUISET.

il est tombé au champ d’honneur[1]. La mort fut douce à cet homme si bon ; elle lui épargna la souffrance. La muse lui fut fidèle et clémente, elle est venue planer sur ses derniers moments ; elle lui a fermé les yeux : les œuvres immortelles des maîtres ont éclairé d’une dernière lueur son regard mourant.

« Perte irréparable pour ses amis, pour ce pays où il semait le bien à pleines mains, secondé par sa sœur, femme digne de cet époux et de ce frère qu’elle a perdus et dont notre province est veuve à son tour[2]. »

Il serait incomplet, ce premier hommage, si on n’y joignait celui des vaillants qui avaient lutté avec Marquiset pour la patrie ; il n’en est point de plus éloquents, il n’en saurait être de plus sûrs, car ceux qui ont été au danger ont seuls aussi le privilège d’en parler comme il convient. On vient de le voir par la notice qui précède la nôtre ; elle dit tout et elle dit bien. C’est pourquoi je m’estime heureux d’y joindre les paroles prononcées au nom de la compagnie de la Haute-Saône par le chef qui avait eu l’honneur de la commander. Séparé politiquement de Gaston Marquiset, M. de Perpigna a su rappeler que le patriotisme a ce noble et grand privilège d’effacer toutes les différences d’opinion, et il disait de son premier lieutenant :

« Il a toujours été au milieu de nous pendant cette triste

  1. C’est en effet sur un divan du salon carré du Palais du Champ de Mars que Gaston Marquiset était venu prendre un repos de quelques minutes. Le matin, il avait paru à l’Exposition avec M. Gigoux et plusieurs amis ; au départ il se plaignait d’un mal de gorge qui sembla bientôt disparaître, et chacun allant de son côté revoir certaines toiles, on convint de se retrouver au buffet du Palais. Marquiset manqua au rendez-vous ; on pensa qu’il avait été éloigné par une affaire imprévue, et M. Gigoux rentra avec M. Lapret à son hôtel de la rue Châteaubriant au moment où on apportait le cadavre de l’ami laissé plein de vie deux heures auparavant. Après avoir regardé l’œuvre d’un maître préféré, Marquiset s’était assis pensif, courbant la tête et par un geste qui lui était familier, se frappant doucement le front avec le pommeau de sa canne. Un gardien qui l’observait le vit tout à coup se renverser et se raidir du même coup. Il était mort.
  2. Mme Monnot-Arbilleur, née Armandine Marquiset, avait épousé en 1852, M. Alexis Monnot-Arbilleur, alors garde général des forêts, depuis député et sénateur du Doubs.